Les policiers peuvent-ils effectuer une perquisition chez moi ?

Les policiers peuvent-ils effectuer une perquisition chez moi ?

Qu’est ce qu’une perquisition ?

Une perquisition consiste pour les services enquêteur à fouiller un lieu privé, dans la plupart des cas, le domicile afin de trouver des éléments de preuve dans le cadre d’une enquête en cours.

Plus précisément, la Cour de cassation énonce que «toute perquisition implique la recherche, à l’intérieur d’un lieu normalement clos, notamment au domicile d’un particulier, d’indices permettant d’établir l’existence d’une infraction ou d’en déterminer l’auteur» 

  • En vertu de l’article 56 du Code de procédure pénale, «l’officier de police judiciaire peut également se transporter en tous lieux dans lesquels sont susceptibles de se trouver des biens dont la confiscation est prévue à l’article 131-21 du Code pénal, pour y procéder à une perquisition aux fins de saisie de ces biens ; si la perquisition est effectuée aux seules fins de rechercher et de saisir des biens dont la confiscation est prévue par les cinquième et sixième alinéas de ce même article, elle doit être préalablement autorisée par le procureur de la République» (dans le cadre de l’instruction : article 94 du CPP). Ces dispositions permettent donc de saisir des biens qui ne sont pas nécessairement des indices ou éléments de preuve mais qui, notamment, apparaissent comme pouvant constituer le produit d’une infraction, susceptible d’être ultérieurement confisqué. Le but est naturellement de permettre effectivement la confiscation ultérieure en empêchant le suspect de faire disparaître les biens avant le jugement.

Il existe des règles encadrant la perquisition.

Le lieu de la perquisition

Le lieu perquisitionné peut donc être, d’abord, un domicile au sens habituel du terme, telle qu’une maison ou un appartement, quel que soit le titre que possède l’agent sur le lieu, c’est-à-dire qu’il en soit propriétaire, locataire, et quelle que soit l’affectation donnée au lieu. Ainsi, l’appartement qui ne sert qu’à exercer un trafic de stupéfiants n’en reste pas moins un domicile dont la fouille suppose de respecter les règles prévues en matière de perquisitions (Cass. crim., 15 octobre 2014, n° 14-83.702), la Chambre criminelle ayant rappelé dans cette affaire que «le domicile ne s’entend pas seulement du lieu où une personne a son principal établissement mais encore de celui où, qu’elle y habite ou non, elle a le droit de se dire chez elle, quels que soient le titre juridique de son occupation et l’affectation donnée aux locaux».

Constitue également un domicile :
– une chambre d’hôtel (Cass. crim., 30 mai 1980, n° 80-90.075),
– un bateau s’il est aménagé afin d’être rendu habitable (Cass. crim., 20 novembre 1984, n° 84-91.829)
– ainsi que les annexes ou dépendances telles qu’un garage attenant à une habitation (Cass. crim., 7 mars 2007, n° 06-88.651)
– ou un jardin clos situé à proximité immédiate d’une habitation (Cass. crim., 13 mars 1974, n° 73-93.328).
– Dans le cas particulier des parties communes d’une copropriété, il convient de noter que l’article L. 126-1 du Code de la construction et de l’habitation prévoit que «les propriétaires ou exploitants d’immeubles à usage d’habitation ou leurs représentants peuvent accorder à la police et à la gendarmerie nationales ainsi, le cas échéant, qu’à la police municipale une autorisation permanente de pénétrer dans les parties communes de ces immeubles». Il s’en déduit que ces lieux doivent être considérés comme relevant de la notion de domicile, ce qui implique que leur fouille suppose le respect des règles de la perquisition (Cass. crim., 27 mai 2009, n° 09-82.115 ; Cass. crim., 26 juin 2013, n° 12-85.116).
– La boîte aux lettres d’un particulier constitue l’accessoire d’un domicile et ne peut être forcée sans qu’ait été préalablement constaté l’indice d’un flagrant délit (Cass. crim., 15 octobre 2014, n° 14-83.702).
– S’agissant des locaux professionnels, le bureau du dirigeant d’une société est assimilé par la jurisprudence à un domicile, au sens des textes sur les perquisitions, ce qui suppose donc, notamment, la présence de l’intéressé lors des opérations (Cass. crim., 21 juin 2006, n° 06-82.774). En revanche, la perquisition réalisée dans d’autres locaux de l’entreprise requiert seulement la présence d’une personne qui se comporte comme représentant qualifié de celle-ci (Cass. crim., 30 mai 1996, n° 95-85954 ; Cass. crim., 24 juin 1987, n° 87-82333). 

Il existe des textes particuliers qui autorisent, à certaines conditions proches de celles des contrôles d’identité, des officiers ou agents de police judiciaire à pratiquer des visites et fouilles de véhicules, en dehors de toute enquête ou instruction (C. pr. pén., art. 78-2-2, 78-2-3 et 78-2-4). Hormis ces hypothèses, la jurisprudence a considéré que le véhicule, sauf s’il se trouve à proximité du lieu où réside la personne, ne constitue pas un domicile ou son annexe, ce qui permet de le fouiller sans avoir à respecter les conditions des perquisitions (Cass. crim., 8 novembre 1979, n° 78-92.914 ; Cass. crim., 22 juin 1994, n° 94-81.842).

Il en va autrement, d’une part, si le véhicule est aménagé à des fins d’habitation, comme c’est le cas d’un camping-car ou d’une caravane, ce qui est expressément prévu par l’article 78-2-2, II, du Code de procédure pénale et, d’autre part, s’il s’agit de véhicules d’entreprises ou agences de presse (article 56-2 du CPP). 

Dès lors que le lieu visité n’est ni clos, ni l’objet d’un droit quelconque, il peut être fouillé sans que les enquêteurs doivent respecter les conditions légales de la perquisition.

Tel est le cas, notamment :

  • d’un appartement incendié et devenu inhabitable (Cass. crim., 31 mai 1994, n° 94-81.199),
  • d’une hutte de chasse qui n’est qu’un poste d’observation pour le chasseur et est dépourvue des équipements les plus élémentaires propres à caractériser le domicile (Cass. crim., 6 mai 2002, n° 01-85.565),
  • d’une cellule de prison qui peut être perquisitionnée hors la présence de son occupant (Cass. crim., 18 octobre 1989, n° 89-80.462),
  • d’une consigne de gare (Cass. crim., 12 octobre 1993, n° 93-83.490),
  • d’une cour d’immeuble non close (Cass. crim., 26 septembre 1990, n° 89-86.600),

La jurisprudence assimile à la perquisition domiciliaire, les fouilles corporelles, qui doivent être effectuées par une personne du même sexe (Cass. crim., 22 janvier 1953, Bull. crim., n° 24 ; Cass. crim, 21 juillet 1982, n° 82-91.034). Il est admis, toutefois, qu’une fouille corporelle puisse être réalisée en dehors des heures légales de perquisition, ces dernières n’ayant aucune justification en la matière.

Cependant, en pratique, on distingue la fouille corporelle, qui est approfondie, de la palpation de sécurité, considérée comme une mesure préventive et qui n’est pas assimilée à une perquisition (Cass. crim., 1er mars 2006, n° 05-87.252). Cette palpation de sécurité correspond, par exemple, à l’hypothèse où le policier, lors d’un contrôle d’identité, tâte les poches de la veste d’un individu qui paraissent révéler le port d’une arme ou d’un objet dangereux.

On notera que la fouille n’est réglementée, dans le Code de procédure pénale, que par l’article 63-7 et exclusivement dans le cadre de la garde à vue, le texte prévoyant que «lorsqu’il est indispensable pour les nécessités de l’enquête de procéder à une fouille intégrale d’une personne gardée à vue, celle-ci doit être décidée par un officier de police judiciaire et réalisée dans un espace fermé par une personne de même sexe que la personne faisant l’objet de la fouille».

S’agissant des bagages des personnes, il existe, comme pour les visites de véhicules, des textes particuliers qui permettent de pratiquer une fouille dans certaines situations, en dehors du cadre d’une enquête (article 78-2-2, III et 78-2-4, I du CPP).
En dehors de ces hypothèses, la fouille de bagages est légale si elle est réalisée conformément aux règles des perquisitions et cet acte n’est donc régulier, sans le consentement du propriétaire, que dans le cadre d’une enquête de flagrance (Cass. crim., 5 octobre 2011, n° 11-81.125).

Chez qui peut avoir lieu une perquisition ?

Dans le cadre des enquêtes de police, les textes énoncent qu’une perquisition peut être pratiquée, dans des conditions identiques, aussi bien chez les personnes qui paraissent avoir participé au crime que chez celles qui sont susceptibles de détenir des pièces, informations ou objets relatifs aux faits incriminés (article 56 du CPP).
Autrement dit, l’opération peut être effectuée chez une personne suspectée ou non, le seul critère étant celui de la probabilité de trouver des éléments de preuves dans les lieux visités.
Si la perquisition est menée sur commission rogatoire d’un juge d’instruction, le législateur prévoit également qu’elle peut avoir lieu dans n’importe quel lieu mais les conditions diffèrent quelque peu selon qu’elle est diligentée chez une personne mise en examen ou chez une autre personne (articles 95 et 96 du CPP).  

A quelle heure la perquisition peut-elle avoir lieu ?

Principe Quel que soit le cadre juridique de l’enquête de police, une perquisition ne peut être effectuée que par un officier de police judiciaire, éventuellement accompagné d’agents de police judiciaire.

  • Elle doit avoir lieu entre 6 heures et 21 heures (article 59 du CPP), cette condition étant aussi applicable dans le cadre de l’instruction (articles 95 et 96 du CPP).
  • La Cour de cassation a affirmé que le fait que la personne concernée ait accepté l’entrée à son domicile d’enquêteurs en dehors des heures légales ne peut couvrir l’illégalité de cet acte (Cass. crim., 3 juin 1991, n° 90-81.435).
  • Exception :  lorsque c’est l’occupant des lieux qui a demandé à l’enquêteur de pénétrer dans les lieux.
  • En outre, la perquisition peut débuter avant 21 heures et se poursuivre après.
  • Par ailleurs, lorsque l’enquête porte sur une infraction relevant du régime dérogatoire de la criminalité et de la délinquance organisées, les perquisitions peuvent avoir lieu de nuit (articles 706-89 à 706-92 du CPP). Il existe également des règles particulières en matière de proxénétisme et de trafic de stupéfiants (articles 706-28 et 706-35 du CPP).

Dois-je être présent au moment de la perquisition ?

La perquisition requiert également la présence de la personne au domicile de laquelle elle est effectuée.
Si le lieu est occupé par plusieurs personnes, comme c’est le cas des époux, la présence d’une seule suffit (Cass. crim., 17 septembre 1996, n° 96-82.105).
Lorsqu’elle se réalise au cours d’une enquête de police, le législateur prévoit qu’en cas d’impossibilité pour la personne d’être présente, l’officier de police judiciaire doit l’inviter à désigner un représentant de son choix et à défaut, il désigne lui-même deux témoins indépendants, c’est-à-dire qui ne dépendent pas de son autorité (article 57 du CPP).
Il est admis en jurisprudence que le fait que la personne soit placée en garde à vue ne constitue pas une impossibilité au sens de ce texte (Cass. crim., 23 février 1988, n° 87-90.117).
En revanche, s’il est impossible de déterminer qui est l’occupant du local à perquisitionner, l’opération peut avoir lieu valablement en présence de deux témoins (Cass. crim., 6 mars 2013, n° 12-87.81).

Lorsque la perquisition est effectuée au cours d’une instruction, il est nécessaire de distinguer deux hypothèses :

  • la perquisition a lieu au domicile du mis en examen, l’article 95 du Code de procédure pénale renvoyant ici aux règles de l’enquête de police. 
  • la perquisition se déroule au domicile d’une autre personne que le mis en examen. L’article 96 énonce que la personne chez laquelle elle doit s’effectuer est invitée à y assister. Si elle est absente ou refuse d’y assister, la perquisition a lieu en présence de deux de ses parents ou alliés présents sur les lieux, ou à défaut, en présence de deux témoins. Cependant, le texte ajoute que le juge d’instruction doit se conformer aux dispositions de l’article 57, alinéa 2, relatif à la désignation d’un représentant par la personne concernée. La Cour de cassation a jugé, à ce titre, que selon les articles 57 et 96 du Code de procédure pénale, la personne, autre que celle mise en examen, chez laquelle une perquisition est opérée doit être invitée à y assister ou, en cas d’impossibilité, à désigner un représentant de son choix (Cass. crim., 20 juin 2018, n° 17-86.657).

En définitive, malgré la différence de rédaction entre les articles 95 et 96, le régime juridique est presque identique dans les deux situations, la présence de témoins étant la dernière des possibilités offertes au juge d’instruction ou aux enquêteurs, qui doivent d’abord rechercher la présence de l’occupant ou d’un représentant désigné par lui.

Selon l’article 56 du Code de procédure pénale, l’officier de police judiciaire a le pouvoir de retenir sur place les personnes présentes lors de la perquisition, si elles sont susceptibles de fournir des renseignements sur les objets, documents et données informatiques saisis. Cette rétention ne peut durer que le temps strictement nécessaire à l’accomplissement des opérations. Cette règle, qui vaut dans le cadre des enquêtes (article 76 al. 3 du CPP pour l’enquête préliminaire) et de l’instruction (article 96, al. 4 du CPP), s’applique à l’égard des personnes qui ne sont pas les occupants des lieux, ces derniers devant de toute façon être présents.

Autrement dit, elle permet de retenir d’autres personnes qui, au moins dans un premier temps, ne pourraient pas être placées en garde à vue faute de soupçons suffisants à leur encontre. Cette solution a été confirmée par la Cour de cassation qui a eu l’occasion d’affirmer que « l’officier de police judiciaire, procédant à une perquisition, qui tient de l’article 56, dernier alinéa, du Code de procédure pénale, le pouvoir de maintenir à sa disposition une personne présente, susceptible de fournir des renseignements sur les objets ou documents saisis, n’est pas privé de la possibilité de la placer ultérieurement en garde à vue, en application de l’article 62-2 du Code de procédure pénale, en cas de découverte, au cours de ses opérations de recherche, d’indices rendant plausible la participation de celle-ci à la commission d’une infraction dès lors que les droits attachés à cette mesure lui sont immédiatement notifiés et qu’avis en est donné aussitôt au procureur de la République » (Cass. crim., 12 juin 2013, n° 13-80.893).

Si l’occupant des lieux doit, en principe, être présent au cours de la perquisition, son accord ne doit être recueilli ni dans le cadre d’une instruction, ni dans celui d’une enquête de flagrance. Son assentiment n’est donc requis que dans le cadre de l’enquête préliminaire.

Dois-je donner mon accord pour la réalisation de la perquisition ?

Dans le cadre d’une enquête préliminaire, l’article 76 du Code de procédure pénale prévoit ainsi que les perquisitions, visites domiciliaires et saisies requièrent l’assentiment exprès et écrit de la personne chez laquelle l’opération a lieu, la violation de cette règle étant sanctionnée par la nullité de la perquisition et des saisies éventuelles (Cass. crim., 4 février 2003, n° 02-82.906 ; Cass. crim., 5 mai 2009, n° 08-87.452 ; Cass. crim., 15 mars 2011, n° 10-88.767) à condition toutefois que soit établi un grief pour le demandeur (Cass. crim., 14 septembre 2004, n° 04-83.793 ; Cass. crim., 4 novembre 2004, n° 00-81.652). L’assentiment doit être donné en connaissance de cause et ne pas avoir été obtenu par contrainte mais l’absence de liberté ou de discernement doit être démontrée par le requérant (Cass. crim., 16 janvier 2018, n° 16-87.168).

L’alinéa 4 de l’article 76 dispose que, si les nécessités de l’enquête relative à un crime ou à un délit puni d’une peine d’emprisonnement d’au moins 3 ans l’exigent, le juge des libertés et de la détention peut, à la requête du procureur de la République, décider par décision écrite et motivée, que les perquisitions et saisies s’effectueront sans l’assentiment de la personne concernée.
À peine de nullité, la décision du juge des libertés et de la détention doit préciser la qualification de l’infraction et l’adresse des lieux.
La motivation doit porter sur la nécessité d’opérer sans le consentement.
Le juge des libertés et de la détention ne peut motiver sa décision en se bornant à se référer à la requête du procureur de la République. « cette motivation constitue une garantie essentielle contre le risque d’une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de la personne concernée et doit permettre au justiciable de connaître les raisons précises pour lesquelles ces opérations ont été autorisées » (Cass. crim., 23 novembre 2016, n° 15-83.649).
Le juge contrôle l’opération et peut, en théorie du moins, se déplacer sur les lieux pour ce faire. Si les opérations révèlent d’autres infractions que celles recherchées, les procédures incidentes ne sont pas susceptibles d’être annulées pour cette raison.

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