Auroville et la protection des enfants : l’inaction dans une Inde qui n’a pas ratifié la Convention de La Haye sur l’enlèvement d’enfants
Auroville, située dans l’État du Tamil Nadu en Inde, est une communauté internationale fondée en 1968 sous l’inspiration de la Mère, Mirra Alfassa, une figure spirituelle et leader du mouvement de Sri Aurobindo. Le projet visait à créer une « ville universelle » où des personnes de toutes nationalités, religions et cultures coexisteraient harmonieusement dans un esprit de développement spirituel et social.
Auroville se distingue aujourd’hui par son approche anti-capitaliste, de l’intégration des différentes cultures, mais aussi par son système juridique et administratif unique.
En avril 2024, Le Monde publiait un article sur cette Cité titrant “Auroville, la cité utopique indienne menacée par le désenchantement et le nationalisme hindou”.
En effet, depuis 2021, le gouvernement indien décidait de reprendre le contrôle sur cette ville. Une nouvelle secrétaire, Jayanti Ravi, était nommée par le gouvernement à la tête d’Auroville.
Entreprenant de nombreux chantiers sur les terrains de la ville, les opposants du nouveau plan gouvernemental étaient très vite exclus de la Cité, ou pire, de l’Inde pour les étrangers dont le visa fut retiré.
Depuis, l’État utilise la loi martiale à ceux qui résisteraient. Les aurovilliens se retrouvent forcés de participer à ce plan d’action.
D’aucuns qui s’accordaient à la vision de Jayanti Ravi remettent aujourd’hui en question les mesures et moyens dictés par le nouveau gouvernement.
Dans cet horizon composé de multiples nationalités, figurent de nombreux français adhérant à cette vision utopique, qui représente la deuxième plus grande communauté constituant la population totale de la ville (début mars 2025, sur 3296 aurovilliens, sont décomptés 1702 indiens et 401 français).
Le cabinet a récemment été amené à s’interroger sur la manière dont Auroville interagit avec le droit international, notamment en ce qui concerne la protection des enfants issus de parents de nationalités différentes (dont l’un est français) et impliquant les questions liées à leurs déplacements transfrontaliers.
Cela soulève des questions juridiques complexes, en particulier en lien avec la Convention de La Haye sur l’enlèvement international d’enfants de 1980, à laquelle l’Inde ne fait toujours pas partie.
La Convention de La Haye et l’enlèvement international d’enfants
La Convention de La Haye sur l’enlèvement international d’enfants, adoptée en 1980, est un instrument juridique international visant à protéger les enfants contre les déplacements illicites entre les pays.
Elle met en place des procédures pour le retour d’un enfant qui a été déplacé illégalement, afin de préserver les droits de résidence et de visite des parents, selon les lois de leur pays d’origine.
L’objectif principal de la convention est de garantir la stabilité de la famille en cas de conflit transfrontalier, d’empêcher le kidnapping parental et de favoriser la réunification des enfants avec leur famille d’origine.
Une grande majorité de pays, dont les principaux membres de l’Union Européenne, ont ratifié la convention.
L’Inde a déposé son instrument de ratification le 6 juin 2003 à la Convention de La Haye signé le 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale.
Bien qu’elle soit un acteur majeur du droit international, elle n’a toujours pas ratifié la convention portant sur l’enlèvement international d’enfants.
Cette absence de ratification place le pays dans une position délicate lorsqu’il s’agit de traiter des cas d’enlèvement international d’enfants. Lorsqu’un enfant est déplacé entre l’Inde et un pays qui a ratifié la convention, les mécanismes de protection prévus par celle-ci ne s’appliquent pas.
Ainsi, il appartient à l’Inde, par le biais de son propre système juridique, de gérer les cas d’enlèvement d’enfants à travers ses procédures internes.
Malheureusement, ces procédures sont lentes et inadaptées face à la nature urgente des situations d’enlèvements internationaux. Cela peut mener à des déséquilibres importants, où les droits des parents et des enfants sont mal protégés dans les contextes transfrontaliers.
La jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme rappelle régulièrement l’importance de l’intérêt supérieur de l’enfant, surtout lorsque des conventions internationales, comme celle de La Haye, ne sont pas ratifiées par un État.
Dans l’affaire Paradiso et Campanelli c. Italie, la Cour a affirmé que « le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant est une considération primordiale dans toutes les décisions concernant les enfants ».
Les États doivent prendre des dispositions pour que les enfants soient représentés de manière indépendante dans les procédures légales (CEDH, Cour en grande chambre, AFFAIRE PARADISO ET CAMPANELLI c. ITALIE, 24 janvier 2017, 25358/12).
Autrement dit, il pèse sur les États une obligation de mettre en place des procédures qui permettent une prise en charge tout aussi efficace que celles prévues par la Convention de La Haye, permettant de pallier l’absence de ratification et assurant l’accès à une protection juridique sûre.
L’impact sur la communauté internationale d’Auroville
Auroville, en tant que communauté internationale, représente un microcosme des défis liés aux lois transfrontalières. Elle est composée de résidents de différentes nationalités, et donc d’enfants de diverses nationalités, qui y grandissent dans un cadre de respect de la diversité culturelle et spirituelle.
Toutefois, la non-ratification de la Convention de La Haye par l’Inde a des conséquences directes pour la protection des enfants au sein de la communauté.
Prenons le même exemple d’un parent citoyen français, pays ayant ratifié la Convention de La Haye, tandis que l’autre parent serait indien.
L’enfant vit entre la France et l’Inde à Auroville.
Un conflit survient entre les deux parents auquel se succède un enlèvement international de l’enfant.
Le parent français pourrait chercher à faire appliquer les procédures prévues par la Convention de La Haye. Cependant, l’Inde n’étant pas signataire de la Convention, ces procédures n’auront pas de force contraignante, et les autorités indiennes ne seront pas obligées de renvoyer l’enfant dans son pays d’origine.
Cette situation expose les enfants à des risques juridiques, en particulier dans ce même cas si le parent indien retient l’enfant illégalement dans son pays, sans que l’autre parent puisse le contacter de quelque manière que ce soit.
Les parents qui ne sont pas nationalités indiennes sont contraints de recourir à des moyens juridiques plus longs et complexes, parfois dans des juridictions qui ne reconnaissent pas immédiatement la situation d’enlèvement.
Cette situation crée aujourd’hui une insécurité juridique alors que les familles sont de plus en plus internationales.
Une intervention semble impérative aujourd’hui, en particulier dans des zones où les questions internationales sont courantes, comme à Auroville.
Des accords entre l’Inde et des pays spécifiques, comme la France, pourraient être négociés pour faciliter la résolution des cas d’enlèvement d’enfants.
De plus, la communauté d’Auroville pourrait jouer un rôle actif dans la sensibilisation et la médiation entre les autorités indiennes et les pays étrangers, afin de promouvoir la ratification de la Convention de La Haye.
Malheureusement, aujourd’hui le gouvernement indien tente de mettre la mainmise sur cette communauté.
La conjoncture politique actuelle expose Auroville à de nouvelles difficultés, en matière de sécurité et de protection des enfants.
Les tensions politiques combinées à l’absence de mécanismes juridiques de protection internationale, créent un environnement incertain où les droits des enfants sont incontestablement compromis. Cette situation fragile accentue la vulnérabilité de la communauté d’Auroville, particulièrement face aux risques d’enlèvements.
Article rédigé par Me Louise VEDEAU (cabinet STEFANIA)
Le + que le cabinet peut vous apporter
L’inaction de l’Inde sur cette problématique courante d’enlèvement d’enfants aggrave les risques, laissant la communauté dans une position précaire sans garantie solide pour la sécurité de ses enfants.
Plus encore, il apparaît nécessaire pour le parent lésé de se tourner vers un avocat français ainsi qu’un avocat indien, ce qui l’oblige in fine à multiplier les frais, sans pouvoir s’assurer d’un retour de l’enfant.
Dans ce contexte particulièrement délicat, le cabinet sensibilisé à cette problématique se tient pleinement disponible et engagé à accompagner et guider les parents confrontés à de telles situations, en leur apportant le soutien nécessaire et des solutions adaptées à leurs besoins spécifiques.