Votre conjoint cache ses revenus : que pouvez-vous faire contre les techniques d’insolvabilité et/ou de dissimulation de patrimoine dans le cadre d’un divorce ou d’une séparation ?

Votre conjoint cache ses revenus : que pouvez-vous faire contre les techniques d’insolvabilité et/ou de dissimulation de patrimoine dans le cadre d’un divorce ou d’une séparation ?

Votre conjoint dissimule ouvertement ses revenus et son patrimoine afin de venir minorer le montant de la pension alimentaire et de la prestation compensatoire qu’il va devoir vous verser ?

Vous souhaitez savoir que faire contre ces techniques de dissimulation des revenus ?

Tout d’abord, la fixation du montant de la pension alimentaire ou de la prestation compensatoire lors d’un divorce ou d’une séparation se fait en fonction des ressources et charges de chacun.

Afin de réduire au maximum le montant, il est possible que votre conjoint utilise des moyens pour cacher ses revenus, le plus souvent ces moyens sont frauduleux.

Pour fixer le montant de la prestation compensatoire dans le cadre d’un divorce, les époux doivent fournir une déclaration certifiant sur l’honneur l’exactitude de leurs ressources, de leur patrimoine et de leurs conditions de vie.

Ainsi, pour dissimuler leur revenus ou leur patrimoine les ex-conjoints peuvent avoir recours à différentes techniques soit en diminuant leurs ressources soit en se créant des dettes comme par exemple :

  • Déménager sans communiquer sa nouvelle adresse
  • Détruire ses biens personnels
  • Effectuer de nombreuses dépenses avant son divorce
  • Souscrire des emprunts réels ou fictifs auprès de tierce personne.
  • Effectuer des donations, notamment une donation d’usufruit à un proche tout en conservant l’usage du bien
  • Créer des indivisions conventionnelles sur un immeuble avec des amis
  • Reporter volontairement la perception de revenus
  • Dissimuler des salaires en ne déclarant pas tous ses revenus
  • Virer de l’argent sur des comptes à l’étranger
  • Faire un apport de biens meubles ou immeubles à une société, en octroyant la majorité du capital à une personne de confiance tout en prévoyant dans les statuts un droit de vote double pour le minoritaire et en octroyant la gestion de la société au minoritaire
  • Faire un contrat de vente fictif de ses biens auprès d’une tierce personne.
  • Acheter des biens qui peuvent être facilement sous-estimés dans une déclaration de ressources (monument historique, pièce de collection, tableaux).
  • Minorer la valeur d’un bien : par exemple en faisant un contrat de prêt à usage fictif consistant à prêter l’usage gratuit d’un bien à un proche tout en s’en conservant la jouissance.
  • Provoquer le remboursement anticiper de ses emprunts avant le divorce
  • Retarder le paiement des dividendes
  • Utiliser des prêtes noms

Attention, organiser son insolvabilité présente de nombreux risques.

La Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler dans un arrêt récent du 15 janvier 2020 que pour apprécier le montant de la prestation compensatoire, le juge doit prendre en compte tous les revenus des époux, y compris les revenus occultes (Cass.1re civ., 15 janv. 2020 n°18-26/012).

En l’espèce, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence avait rejeté la demande de prestation compensatoire de l’épouse, au motif que le divorce ne créait pas de disparité des niveaux de vie entre les époux.

La Cour de cassation a cassé, et annulé l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, jugeant qu’elle aurait dû rechercher, comme l’épouse l’y avait invité, si, l’époux ne continuait pas à avoir une activité occulte de courtage d’œuvres d’art qui lui procurait des revenus.

Dans le cadre de la fixation d’une prestation compensatoire, les époux doivent en effet se faire connaître mutuellement leurs ressources, patrimoine et conditions de vie.

A ce titre, l’article 272 du Code civil leur impose notamment de fournir au Juge une déclaration, certifiant sur l’honneur de l’exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie.

Précisons qu’aucune sanction spécifique n’est prévue par la loi, en cas de défaut de production de cette déclaration, ou de déclaration mensongère. La Cour de cassation juge ainsi que la déclaration sur l’honneur n’est pas une condition de recevabilité de la demande de prestation compensatoire.

Il pourrait donc être tentant de ne pas en produire ou de produire une fausse déclaration de ressources.

On attend cependant des époux qu’ils fassent preuve de loyauté.

La loi fait obligation aux époux de fournir au juge des informations exactes sur leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie.

Quelles sont les possibilités qui vous sont offertes si votre conjoint tente de dissimuler son patrimoine ?

Vous n’avez pas encore divorcé

Si votre conjoint cache ses revenus avant le divorce, en réalité il organise ou aggrave son insolvabilité. 

Il s’agit d’une infraction pénale plus précisément du délit d’organisation frauduleuse d’insolvabilité.  

Le fait pour votre ex-conjoint, d’organiser ou d’aggraver frauduleusement son insolvabilité est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende par le code pénal.

Vous pouvez donc déposer plainte dans un commissariat ou saisir directement le Procureur de la République d’un courrier plainte afin de le dissuader de cacher ses revenus en lui faisant peur.

Attention toutefois c’est une procédure qui peut être très longue (ce type d’infractions n’étant pas la priorité des services d’enquête).

Vous avez déjà divorcé

Vous pouvez obtenir la révision de votre jugement si vous apprenez par la suite que votre ex-conjoint a dissimulé des revenus ou des biens lors du jugement fixant la prestation compensatoire. Le juge reviendra alors sur sa décision : il s’agit d’un recours appelé « recours en révision » portant sur le montant de la prestation compensatoire ou de la pension alimentaire qui ne portera que sur cet aspect et ne remettra pas en cause le prononcé du divorce.
Cette possibilité de recours en révision est envisageable si votre ex-conjoint a agi de manière frauduleuse.

La Cour de cassation juge que la dissimilation de revenus par l’époux débiteur d’une prestation compensatoire est une fraude, qui ouvre le recours en révision de l’article 595 du Code de procédure civile (Cass. 2e civ., 21 févr. 2013)

Attention, le délai pour agir en révision est de 2 mois à compter du jour où le demandeur en révision a eu connaissance de la cause de révision qu’il invoque. 

Ainsi, dès que vous obtenez des éléments indiquant que vote ex-conjoint a dissimulé ses revenus ou son patrimoine il convient d’agir très vite en demandant dans les deux mois la révision du jugement pour obtenir une prestation compensatoire, ou la réévaluation de son montant, si la fraude est établie.  

L’époux qui a été victime peut aussi obtenir réparation de son préjudice, en demandant l’allocation de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1240du Code civil.

Le délit d’escroquerie au jugement

La dissimulation de ressources d’un époux lors d’un divorce peut également donner lieu à une procédure pénale pour escroquerie au jugement.

Il s’agit en effet d’un délit, prévu à l’article 313-1 du Code pénal, et punie de cinq ans d’emprisonnement et de 375.000€ d’amende.

Comment recueillir la preuve de la dissimulation de patrimoine par son ex-conjoint ?

Il s’agit du point le plus difficile, parvenir à prouver que votre conjoint dissimule des revenus. Il peut en effet s’avérer particulièrement difficile voir même impossible pour vous de prouver quelque chose qui est dissimulé. 

Il convient alors d’être méthodique et de vérifier tous les éléments de son patrimoine. 

Vous pouvez :

  • Faire intervenir un huissier qui établira un constat prouvant qu’il utilise plusieurs voitures, ou qui dressera une liste de ses adresses connues
  • Vérifier l’existence d’éventuelles sociétés lui appartenant au registre du commerce et des sociétés. 
  • Consulter à tout moment la ­déclaration fiscale de son ex-conjoint (en se rendant à son centre des impôts)
  • Obtenir des attestations d’amis et de connaissances qui témoigneront de la réalité de son patrimoine. 
  • Le dénoncer à l’URSAFF ou à l’inspection du travail si vous savez qu’il travaille sans déclarer ses revenus
  • Faire intervenir un détective privé qui pourra effectuer un certain nombre de constatations concernant son train de vie y compris depuis les réseaux sociaux

Si vous souhaitez être assisté par un cabinet réactif et sensibilisé à la question de la dissimulation de patrimoine, n’hésitez pas à contacter Me Marina STEFANIA, avocat droit de la famille Lyon.

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