Accident de la circulation et application de la loi Badinter

Accident de la circulation et application de la loi Badinter

Quelles sont les conditions d’application de la loi Badinter ?

L’article 1er de la loi du 5 juillet 1985 prévoit que les dispositions du présent chapitre s’appliquent, même lorsqu’elles sont transportées en vertu d’un contrat, aux victimes d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur, ainsi que ses remorques ou semi-remorques à l’exception des chemins de fer, des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres.

Par contre, les trolleybus qui circulent grâce à des câbles aériens entrent dans le champ d’application de la loi de 1985, ces véhicules ne circulant pas sur une voie ferrée qui leur est propre (Civ. 2ème, 12/05/1993).

1ère condition : un accident de la circulation

La notion d’accident de la circulation a fait l’objet d’une très importante jurisprudence, notamment lorsque l’accident est à l’origine d’une faute volontaire.

La faute intentionnelle entendue au sens strict comme une faute volontaire, dont l’auteur a voulu la réalisation du dommage, est communément jugée incompatible avec l’existence d’un accident.

Exemple en matière d’incendie et application ou non de la loi Badinter :

Tout d’abord, lorsque l’incendie est volontaire, la loi Badinter ne s’applique pas.

Lorsque la cause de l’incendie du véhicule est indéterminée, la loi Badinter peut s’appliquer, mais il faut que le fait soit qualifié d’accident de la circulation.

Depuis quelque temps, la jurisprudence est claire sur le sujet : Tout incendie prenant naissance dans un véhicule qu’il soit ou non en circulation est considéré comme accident de la circulation (Civ. 2ème 22/11/1995, Civ. 2ème 18/03/2004, Civ. 2ème 8/01/2009).

Un incendie causé par un accessoire du véhicule peut être garanti par l’assureur alors même qu’il ne constitue pas un accident au sens de la loi Badinter du 5 juillet 1985 :

Ainsi, seules 3 exceptions perdurent pour écarter la loi BADINTER :

  •  En cas de fait volontaire.
  • Lorsque le véhicule se trouve dans un lieu qui n’est pas habituellement affecté à la circulation.

Arrêt du 26 juin 2003, la Cour de Cassation a estimé que, bien que l’incendie soit involontaire, la loi du 5 juillet 1985 ne s’appliquait pas, puisque le cyclomoteur qui a pris feu était stationné dans un hall d’immeuble et donc dans un lieu qui est impropre à cette destination.

  • Lorsque la cause de l’incendie est étrangère à la fonction de déplacement du véhicule. La jurisprudence soumet l’application de la loi du 5 juillet 1985 à l’utilisation de la fonction de déplacement dudit véhicule au moment de l’accident (Civ. 2ème, 27/05/1998).

En résumé, l’accident de circulation est un événement fortuit et imprévisible qui intervient en circulation. La notion de « circulation » retenue est assez large, puisqu’elle inclut toute utilisation d’un véhicule sur la voie publique et même dans une propriété privée. Un accident survenu dans un champ, sur une piste de ski, sur un parking d’usine ou d’un supermarché constitue un accident de la circulation.

2ème condition : un véhicule terrestre à moteur

Qu’est ce qu’un véhicule terrestre à moteur ?

  • La tondeuse auto portée 

Par un Arrêt en date du 24 juin 2004, la 2ème Chambre Civile de la Cour de Cassation a estimé qu’il s’agit bien d’un véhicule terrestre à moteur au sens de la loi du 5 juillet 1985 et qu’il est comme tel soumis à l’obligation d’assurance.

La victime heurtée par la tondeuse sera bien indemnisée dans le cadre de la loi du 5 juillet 1985. Cependant, la tondeuse n’ayant pas fait l’objet d’un contrat d’assurance et la quasi-totalité, pour ne pas dire la totalité des contrats d’assurance Multirisque Habitation excluant la conduite d’engins terrestres à moteur, c’est le Fonds de Garantie qui devra intervenir à titre subsidiaire pour indemniser la victime avec, bien sûr, un recours contre le propriétaire de la tondeuse.

  • Le fauteuil roulant électrique

En théorie il constitue un véhicule terrestre à moteur et comme tel d’ailleurs, il est soumis à l’obligation d’assurance responsabilité civile obligatoire des véhicules terrestres à moteur.

Or, le Ministère de l’Intérieur a pris position en disant que les fauteuils roulants électriques ne sont pas considérés comme des véhicules et par conséquent non soumis aux obligations émanant du code de la route.

A ce jour la question n’est pas véritablement réglée.

  • Les Engins de Déplacements Personnels (EDP) et EDP motorisés (EDPM ou NVEI pour Nouveaux Véhicules Electriques Individuels) :

On distingue :

– Les engins classiques non immatriculés (vélo, roller, skate-board, trottinette simple) : Ne sont pas considérés comme véhicule terrestre à moteur donc l’assurance en responsabilité civile vie privée suffit.

– Les engins à assistance électrique non immatriculés (vélo à assistance électrique, trottinette à assistance électrique) : ne sont pas considérés comme véhicule terrestre à moteur donc l’assurance en responsabilité civile vie privée suffit.

– Les engins de déplacements personnels motorisés (EDPM) : Il s’agit des engins électriques immatriculés ou non (trottinettes électriques, monoroues, gyropodes, hoverboards …) : sont considérés comme des véhicules terrestres à moteur donc nécessitent une assurance en responsabilité civile automobile obligatoire (certains contrats multi-risques habitation sont susceptibles de proposer une option pour couvrir les EDP motorisés).

Attention, la conduite sans assurance d’un véhicule motorisé constitue un délit. L’article L.324-2 du Code de la route prévoit des sanctions pénales sévères (amendes, suspension du permis de conduire), en cas d’absence d’assurance.

3ème condition : l’implication du véhicule

Ce terme « impliqué » a fait l’objet d’une très nombreuse jurisprudence et en résumé, on peut dire que dès lors qu’il y a eu choc avec un véhicule terrestre à moteur, il y a implication et donc application des dispositions de la loi du 5 juillet 1985.

M. Badinter précisait lui-même, lors des travaux parlementaires que pour lui : « s’agissant du terme impliqué, il est volontairement très large, c’est le fait qu’un véhicule terrestre à moteur soit intervenu à quelque titre que ce soit, ou à quelque moment que ce soit, qui déterminera l’application des règles contenues dans ce texte, par exemple la loi s’appliquera même si le véhicule est en stationnement régulier, même si le véhicule survient après un premier accident, mais il faut qu’il ait participé d’une manière ou d’une autre au dommage ».

  • Implication et absence de contact

Arrêt Civ. 2ème, 18/04/2019 :

Un motocycliste perd le contrôle de son véhicule après avoir dépassé un tracteur qui procédait au fauchage du bas-côté de la route.

Il a été établi que le motocycliste a perdu le contrôle de sa motocyclette au moment où il se rabattait sur sa voie de circulation et que c’est la présence du tracteur qui, alors qu’il était en action de fauchage, circulait à allure très réduite et empiétait sur la voie de circulation, l’avait contraint à cette manoeuvre de dépassement. Le tracteur est donc impliqué dans l’accident.

Arrêt Civ. 2ème, 12/12/2019 :

Un motocycliste perd le contrôle de son véhicule après avoir dépassé un véhicule qui avait ralenti devant lui dans une montée, et vient heurter une chèvre venant du bas-côté gauche de la route.

« Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait relevé, par motifs propres et adoptés, que M. S… avait entrepris de dépasser le véhicule le précédant à la suite du ralentissement de ce dernier et que l’accident était survenu au cours de ce dépassement, ce dont il résultait que ce véhicule avait joué un rôle dans sa réalisation, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé. Cassation ».

  • Le cas du véhicule en stationnement 

Dès lors qu’il y a choc avec un véhicule en stationnement, même si ce stationnement est régulier et ne perturbe pas la circulation, il y a implication au sens de la loi du 5 juillet 1985.

Ainsi, un Arrêt de la 2ème Chambre civile de la Cour de Cassation du 21 mai 1990 a considéré comme impliqué le véhicule en stationnement régulier dès lors qu’il est projeté sur un autre véhicule.

Toutefois, la discussion demeure lorsqu’il n’y a pas de choc et le véhicule en stationnement sera alors impliqué s’il a joué un rôle perturbateur pour la circulation des usagers, ce rôle perturbateur n’étant pas synonyme « de stationnement irrégulier » et c’est que qu’a rappelé la 2ème Chambre Civile de la Cour de Cassation par un Arrêt en date du 31 mai 1995.

Il convient de ne pas assimiler le rôle perturbateur au stationnement régulier. Un véhicule peut être en stationnement régulier mais avoir joué un rôle perturbateur de même, qu’il peut être en stationnement irrégulier mais n’avoir joué aucun rôle perturbateur. Il s’agira d’apprécier les circonstances de fait pour déterminer s’il a ou non joué un rôle perturbateur alors qu’il était en stationnement.

Il convient de citer un Arrêt de la 2ème Chambre Civile du 23 mars 1994 : « le fait qu’un véhicule terrestre à moteur soit en stationnement sans perturber la circulation n’exclut pas son implication dans un accident au sens de l’article 1er de la loi du 5 juillet 1985″.

La charge de la preuve de l’implication incombe à la victime.

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