Vous êtes poursuivi pour non représentation d’enfants, que risquez-vous ?

Vous êtes poursuivi pour non représentation d’enfants, que risquez-vous ?

Le délit de non-représentation d’enfant

Selon l’article 227-5 du Code pénal, le délit de non-représentation d’enfant est défini comme « Le fait de refuser indûment de représenter un enfant mineur à la personne qui a le droit de le réclamer » et est puni « d’un an d’emprisonnement et de 15.000 € d’amende ».

L’article 227-29 du Code pénal prévoit des peines complémentaires dont notamment le 6° : « l’interdiction, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs ».

Le délit de non-représentation d’enfant est caractérisé par le refus délibéré d’exécuter une décision de justice et de remettre l’enfant à la personne qui est en droit de le réclamer en l’absence de circonstances exceptionnelles constatées par le juge. (Crim. 22.06.2016 n. 14-88 177).

Sur le refus délibéré d’exécuter une décision de justice:

L’élément intentionnel du délit de non-représentation d’enfant est caractérisé par le refus délibéré ou indu d’exécuter une décision de justice en ne remettant pas les enfants quel qu’en soit le mobile et en l’absence de tout danger actuel ou imminent menaçant leur personne ou leur santé.

Sur la décision de justice

La non-représentation d’enfant incrimine le non-respect d’une décision d’un juge aux affaires familiales qui est sensée préserver justement l’intérêt de l’enfant et l’équilibre familial.

Toutefois, la décision de justice qui organise le droit de visite et d’hébergement respecte l’intérêt de l’enfant au moment où elle est rendue mais ne traduit nullement l’intérêt actuel de l’enfant au moment des faits incriminés qui sont postérieurs alors que l’intérêt actuel de l’enfant au moment des faits poursuivis devrait être celui recherché par le juge pénal.

Finalement, la chambre criminelle de la Cour de cassation a fait du délit de non-représentation d’enfant un délit formel qui condamne le parent au seul constat que la décision de justice organisant le droit de visite et d’hébergement n’est pas respectée « sauf circonstances exceptionnelles ».

L’appréciation du juge correctionnel se limite ainsi à constater qu’une décision de justice organisant le droit de visite et d’hébergement n’est pas respectée .

Sur les circonstances exceptionnelles

La notion de circonstances exceptionnelles n’est pas définie dans la loi et présente donc un caractère variable et évolutif. Cette imprécision génère une insécurité juridique.

Les circonstances exceptionnelles ne sont presque jamais retenues alors même que les circonstances de la commission de l’infraction relèvent de l’appréciation du juge correctionnel.

Force est de constater que le juge correctionnel n’a aucune marge d’appréciation ou très peu et les condamnations sont quasiment systématiques.

La réticence de l’enfant

En effet, attention, la réticence de l’enfant, y compris lorsque l’enfant résistant est en âge de manifester son opinion, à rencontrer son parent ne constitue ni un fait justificatif, ni une excuse légale, ni même une circonstance exceptionnelle qui aurait pu empêcher l’autre parent d’exécuter son obligation si à la date des faits incriminés, la décision de justice statuant sur le droit de visite était exécutoire (crim 9.5.2019 n.18-83.840).

Toutefois, l’autorité parentale s’exerce dans l’intérêt de l’enfant sans violences physiques ou psychologiques (loi du 10.07.2019 – article 371-1 du Code civil) ce qui exclut les violences sur l’enfant résistant afin qu’il consente au droit de visite et d’hébergement et vient en contradiction avec la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation selon laquelle le parent doit user de son « autorité » pour représenter l’enfant.

La Cour de cassation semble désormais considérer que la résistance de l’enfant est présumée trouver sa cause dans l’aliénation de l’enfant par le parent qui est en charge de le représenter : « chaque parent devant faciliter l’exercice des droits de l’autre parent, sans instrumentalisation de l’enfant » et ce alors même que le syndrome d’aliénation parentale ne repose sur aucun fondement scientifique.

Il existe ainsi une tendance à mettre en doute les capacités parentales des victimes et à dévaloriser leur parole notamment au titre du prétendu syndrome d’aliénation parentale dont le caractère médicalement infondé a pourtant été reconnu par le 5e plan interministériel.

Le danger encouru

La condamnation est également encourue en cas de refus de représenter l’enfant motivé par la crainte d’un danger plausible encouru par l’enfant.
Même si le délit de non-représentation d’enfant a pu être justifié en raison d’un danger pour l’équilibre psychique d’un enfant, établi par un certificat médical psychiatrique (CA Colmar, 8 juin 2014). Les décisions de la Cour de cassation retenant l’état de nécessité sont plutôt rares et anciennes. 
Les juridictions du fond ont pu caractériser par exemple l’existence d’un danger dans le cas de difficultés graves de logement rencontrées par une famille (T. corr. Paris, 28 janvier 2000).

De simples craintes ou la prétendue mauvaise influence d’un parent sur les enfants ne suffisent pas.

Si un parent allègue des faits pour expliquer son refus de confier l’enfant à son autre parent, il doit pouvoir en rapporter la preuve.

Il doit ainsi prouver qu’il se trouve dans un état de nécessité. 
L’état de nécessité est défini par l’article 122-7 du Code Pénal dans les termes suivants :

« N’est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace. »

Attention, l’état de nécessité est caractérisé si le risque encouru par l’enfant est effectif – c’est à dire actuel, imminent et grave – et si sa preuve est établie.

Dans cette hypothèse seulement le parent qui a refusé de représenter l’enfant pourra espérer une relaxe des chefs de poursuite.

Le parent qui ne remet pas l’enfant risque donc une condamnation à une peine d’emprisonnement pour avoir voulu protéger l’enfant.

La plupart des condamnations concernent la mère lorsqu’elle craint un danger plausible pour l’enfant ou lorsque l’adolescent(e) est résistant(e).

Lorsque la mère qui a voulu protéger l’enfant est condamnée à une peine d’emprisonnement, cette condamnation de la mère signifie que la parole de la mère n’a pas de valeur que la mère est présumée menteuse et manipulatrice.

Alors que craindre un danger plausible pour l’enfant n’est pas refuser indument de représenter l’enfant. Il n’est pas nécessairement dans l’intérêt de l’enfant de rencontrer un parent toxique ou violent.

Il importe donc de se déprendre à la fois de la décision de justice qui organise le droit de visite et d’hébergement qui ne traduit pas l’intérêt actuel de l’enfant, de se déprendre de la présomption de mensonge et de manipulation du parent (la mère) lorsqu’il (elle) craint un danger plausible encouru par l’enfant, de se déprendre de la présomption d’instrumentalisation de l’enfant par le parent – la mère- lorsque l’enfant est résistant et refuse de rencontrer son parent.

A titre d’exemple, récemment, début 2022, le cabinet de Me Marina STEFANIA, avocat droit de la famille Lyon et avocat droit pénal Lyon a eu l’occasion d’intervenir au soutien des intérêts d’une mère prévenue devant le tribunal correctionnel de Lyon pour non représentation d’enfant. Si la mère a été déclarée coupable car elle n’avait effectivement pas présenté l’enfant au père pendant plusieurs jours alors qu’il était en droit de la réclamer en raison d’une décision de justice, le cabinet est parvenue à ce qu’elle soit dispensée de peine en faisant valoir les circonstances.

En effet, l’article 132-59 du Code pénal prévoit que la dispense de peine peut être accordée lorsqu’il apparaît que le reclassement du coupable est acquis, que le dommage causé est réparé et que le trouble résultant de l’infraction a cessé.

La mère avait depuis permis au père de revoir dans l’enfant dans un lieu neutre, la décision du Juge aux affaires familiales ayant été modifié en ce sens avec là encore l’intervention du cabinet.

Depuis,  fort heureusement, la loi a évolué sous l’impulsion de la CIIVISE dans un souci d’assurer une meilleure protection des enfants et du parent dénonciateur quand l’enfant a révélé des violences notamment sexuelles de la part de l’autre parent. Le Décret n° 2021-1516 du 23 novembre 2021 tendant à renforcer l’effectivité des droits des personnes victimes d’infractions commises au sein du couple ou de la famille entré en vigueur le 1er février 2022 a intégré un article D. 47-11-3 dans le code de procédure pénale qui prévoit que « Lorsqu’une personne mise en cause pour le délit de non représentation d’enfant prévu par l’article 227-5 du code pénal soutient que les faits qui lui sont reprochés ont été justifiés par des violences ou toutes autres infractions relevant de l’article 706-47 commises sur le mineur par la personne qui a le droit de le réclamer, le procureur de la République veille à ce qu’il soit procédé à la vérification de ces allégations avant de décider de mettre ou non l’action publique en mouvement. En cas de citation directe exercée par la victime, il veille à ce que le tribunal correctionnel puisse disposer des éléments lui permettant d’apprécier la réalité de ces violences et l’application éventuelle de l’article 122-7 du code pénal relatif à l’état de nécessité. »

En gros, tant que la plainte pour violences sur l’enfant est en cours d’enquête, il est désormais possible de faire état de ce fait justificatif pour éviter d’être poursuivi pour non représentation d’enfant par le Procureur de la République en cas de non remise de l’enfant. Il s’agit là d’une avancée significative pour la protection des enfants victimes en évitant de les replacer face à leur agresseur le temps de l’instruction de leur plainte, qui peut être très long.

Vous constaterez qu’il est particulièrement intéressant de bénéficier des conseils d’un avocat polyvalent à savoir intervenant à la fois en droit pénal et en droit de la famille afin de pouvoir vous fournir une prestation de qualité dans les deux domaines qui sont souvent interdépendants. N’hésitez pas à contacter le cabinet de Me Marina STEFANIA.

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